Les dimensions genrées des violences contre les partenaires intimes

Comprendre le sens des actes et le sens de la peine pour les auteurs afin de mieux prévenir et réduire ces violences

  • 18/03/2024

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sous la direction d'Éric Macé, édition IERDJ, mars 2024, rapport n°19.28,  212 p.
avec les collaborations d'Emmanuelle Burgaud et de Marie Lamarche

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Faisant le constat que la dimension genrée des violences contre partenaire intime ainsi que la question des masculinités constituaient un angle mort des recherches et des dispositifs de prise en charge des auteurs en France, la recherche GENVIPART avait pour objectif de décrire ces dimensions genrées afin de montrer qu’elles peuvent servir de point d’appui aux politiques judiciaires et socio-judiciaire de traitement institutionnel des auteurs de ces violences, notamment dans une perspective de réduction des récidives et de prévention précoce de ces conduites. Cette recherche interdisciplinaire (droit, démographie, sociologie) a pour matériaux une relecture historique du droit et de ses inflexions, une analyse du droit et des pratiques judiciaires contemporaines et de leurs contradictions et limites, une analyse des données d’enquêtes quantitatives en population générale, le recueil empirique et l’analyse de 167 dossiers du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation d’un département, de 72 dossiers d’alternative aux poursuites d’un tribunal judiciaire et de 22 entretiens avec des auteurs de violence. L’approche juridique montre un paradoxe : alors que pendant des millénaires ces violences ont été explicitement définies dans un cadre patriarcal, la dépatriarcalisation du droit a conduit à un aveuglement au genre, alors que les violences sont demeurées genrées. Pour autant ce n’est pas tant cet aspect qui semble poser des difficultés pour assurer la lutte contre les violences conjugales. Ce sont bien davantage les difficultés d’articulation du droit pénal et du droit civil, du fait de logiques et de temporalités différentes qui peuvent être relevées.
Cependant, cette dimension genrée non assumée revient dans les dispositifs de prise en charge sous une forme inversée : les auteurs se considèrent victimes des violences des femmes et d’un agenda médiatique et institutionnel féministe. L’approche démographique montre pourtant que cette pratique sociale essentiellement masculine est présente dans tous les milieux et dans toutes les classes d’âge. Il n’y a donc pas de « profil type » des auteurs de violences contre partenaire intime, même s’il existe des facteurs propices à leur aggravation : être peu diplômé, connaître des difficultés sociales permanentes (trajectoire sociale) ou conjoncturelles (chômage, arrêt maladie) ; boire ou se droguer, y compris de façon « festive » ; être un migrant ayant raté son intégration économique et sociale. Il ressort de l’analyse sociologique qu’il existe moins une typologie « d’hommes violents » qu’une combinatoire de logiques d’actions qui concernent potentiellement tous les hommes. La conclusion est également paradoxale : la violence masculine contre partenaire intime a pour ressort des masculinités d’autant plus toutes puissantes par le recours à la violence qu’elles sont débordées, contrariées, blessées par une perte de contrôle de soi et des relations, faisant de ce recours à la violence le signe d’une vulnérabilité face à des normes sociales et de genre qui supposent d’autres compétences relationnelles et d’autres formes d’identification que celles issues d’une socialisation masculine marquée par son héritage patriarcal.